"Dis Papa, y'a ton Raymond Kopa qui vient de partir te rejoindre là-haut !"
Tout juste sexagénaire, je n'ai jamais eu le plaisir de voir jouer Raymond Kopa, à part sur des images d'archives.
A l'âge de l'adolescence, dans ces bourgades frontalières entre la France (59-Nord*) et la Belgique (Hainaut occidental), le cyclisme et le football rythment pourtant exclusivement nos conversations sportives.
Seul Roger Couderc essaye de s'immiscer le samedi après-midi pour nous initier, très mal s'en doute, aux subtilités du rugby via le Tournoi des 5 nations ; les vagues successives de "profs de gym" du Midi mutés dans nos lointaines contrées tenteront vainement la semaine de poursuivre l'aventure mais nos "belgitudes" de sang et de terres sont tenaces.
Les posters qui garnissaient nos chambres de l'époque mettaient surtout en exergue le Brésil de la Coupe du Monde de 1970, l'Ajax de Johan Cruyff, le Sporting (d'Anderlecht**) de Paul Van-Himst et le maillot arc en ciel du Roi Eddy !
La France du football n'existe pas dans nos repères quotidiens : la sélection nationale française est absente des Coupes du Monde de 1970 et 1974 (la sélection nationale belge est présente en 1970 au Mexique mais ne supportera guère la chaleur !!) et l'épopée des Verts n'a pas encore commencé.
Quant au cyclisme, toute la Belgique et la planète des deux roues réunies courent après Eddy Merckx mais ne le rattrapent pas souvent.
Dans ce contexte, comme beaucoup d'adolescents en quête d'identité, la parole du Père entre par une oreille...pour...sortir de l'autre...Alors Kopa, Piantoni, Fontaine, etc...etc... c'est souvent en noir et blanc et cela sent vraiment, pour nous, la naphtaline.
Bon d'accord, Raymond Kopaszweski est un p'tit gars du coin (né le 1er octobre 1931 à Noeux-les-Mines) mais que pouvait-il faire dans nos quotidiens contre les arabesques individuelles et collectives du "football total" de l'Ajax de Johan, contre les mauves et blancs (Anderlecht) sur le toit de l'Europe, les cheveux longs et "la rock music" ? Rien ou plus grand chose !
Désolé Papa, il m'a fallu du temps et des lectures pour mieux comprendre toutes ces années d'après-guerre sur le plan des sports mais aujourd'hui, je te rassure, c'est bien moi le vieux con.
"Mes gamins" sur le goudron de la cour continuent d'essayer d'être les héros de la récréation en arborant un maillot de Cavani*** mais se sont éperdument moqués de la disparition de "mon" Johan Cruyff et ignorent tout du glorieux passé du Royal Sporting Club d'Anderlecht.
Rassure-toi, nous nous retrouverons Tous un jour pour refaire le match mais, d'ici là, j'espère que la haut, "y'a quand même de l'ambiance au stade !"
* Je ne dirais jamais "Hauts de France" qui est une absurdité technocratique (une de plus !)
** En 1970, Anderlecht est battu par Arsenal (3-1/0-3) en finale (AR) de la Coupe de Villes de Foires, ancêtre de la coupe de l'UEFA et de l'actuelle Ligue Europa.
*** A l'heure où j'écris cet article, "ils" sont peut être en train de le déchirer car le Camp Nou est passé par là !