Mai 1976 : BAYERN 1-0 ASSE...Août 2020 : PSG 0-1 BAYERN...Les vraies larmes ont de la mémoire !
En mai 1976 (12-05 -Glasgow-Écosse), du haut de mes 19 ans à peine entamés et déjà assez bien éduqué, dans ma "Ch'ti-Belgique" natale, aux fondamentaux du football, tant à l'International grâce, entre autres, à la révolution néerlandaise de l'Ajax de Monsieur J. Cruyff, au "football-samba" du Brésil de Pelé lors de la Coupe de Monde de 1970 au Mexique et, bien sûr, aux exploits européens du RSC Anderlecht (Belgique), qu'au niveau National avec les prémices de la renaissance du RC Lens, j'attendais néanmoins avec gourmandise la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions qui devait éventuellement parachever, par un titre, l'extraordinaire dynamique européenne de l'AS Saint-Étienne, impulsée depuis septembre 1974.
Frustrée par une absence de crédibilité manifeste, tant sur la scène européenne des Clubs que sur la scène internationale des Nations (La FRANCE est, en effet, absente des Coupes du Monde 1970 et 1974), quasiment toute la France est verte et se passionne pour les exploits récurrents de l'ASSE dans la Reine des Coupes d'Europe de football, exceptés, sans doute, dans des villages reculés du...Lyonnais !!
Des cohortes festives de petits bonhommes verts se déplacent allègrement vers Glasgow qui vibre presque autant, ce soir-là, que Geoffroy-Guichard. Bon nombre des meilleurs internationaux français de l'époque exercent brillamment leur métier dans ce club phare du football-business français. Le centre de formation joue pleinement son rôle pour élaborer l'effectif et quelques rares joueurs d'une autre nationalité, à la mentalité exemplaire, sur et en-dehors du terrain, viennent compléter le groupe (Piazza, Curkovic).
En dépit de l'amère, et peut-être injuste, défaite (expérience, satanés poteaux carrés et talents de très haut-niveau chez le vainqueur...), les vaincus du terrain et la France des gradins et des canapés, verts de légitime tristesse, sèchent, tant bien que mal, leurs larmes et descendent les Champs-Elysées dans la joie, le bruit, la communion et le respect des lieux.
Les "Verts" seront collectivement applaudis, pendant quelques temps, sur tous les terrains de France pour les remercier de cette brillante épopée européenne qui a enjoué les soirées du mercredi derrière le petit écran ou, trop souvent, l'oreille collée au transistor, complexité des droits des retransmissions de l'époque et vie lycéenne personnelle du lendemain obligent.
En ce 23 août 2020, quarante quatre ans après, dans un stade de Lisbonne (Estádio da Luz) sinistre d'ennui, crise sanitaire du COVID19 oblige, le Bayern maintient son rang en disputant une nouvelle finale (La 11ème !) de ce que l'UEFA appelle dorénavant la Ligue des Champions.
À tort et/ou à raison, force est de constater, qu'en dépit d'un matraquage politico-médiatique assez considérable et, par moment, démagogique, aucune vague parisienne n'emporte la France du football. Pire, la défaite finale, sur un score identique à celui de 1976, rassemble bon nombre de rires chez les passionnés et les supporters de ce jeu et ce ne sont pas les récurrentes scènes de guerre transformant l'ancienne "plus belle avenue du Monde" en énième apocalypse qui jouent un rôle d'apaisement, bien au contraire, même si le football n'est qu'un dramatique prétexte parmi tant d'autres à l'expression d'une violence barbare gratuite.
Pourquoi sommes-nous passés des larmes vertes ressenties au plus profond des canapés français aux larmes brésiliennes gaussées sur tous les réseaux sociaux ?
La défaite souhaitée du club du Qatar domicilié en France par bon nombre de passionnés n'est pas exclusivement liée à "l'Argent-Roi" et, à priori, sans limite, de cet actionnaire unique.
D'ailleurs, l'analyse des exploits de bon nombre de clubs européens depuis le début de ces joutes laisse aussi apparaitre de multiples financements diaboliques et souvent mesquins pour aboutir au succès final.
Le modèle allemand du Bayern, vainqueur 2020, est aussi un business sans foi ni loi, comme bon nombre de business planétaires dans le genre, et il se compromet aussi, par moment, au grand dam de certaines associations de supporters bavarois, avec des partenaires infréquentables mais il n'est pas économiquement artificiel, reste ancré à une forte entité "régionale" et propose surtout une organisation politico-administrative qui rend parfaitement impossible toute prise de contrôle global par un investisseur privé ou un "État-actionnaire".
Bien plus, le projet de société outre-Rhin en 2020 semble, quand-même, à défaut d'être irréprochable, beaucoup moins détestable que celui du Qatar.
C'est, à mes yeux, le coeur de la problématique du rejet manifeste, et il n'est cependant pas toujours facile de le porter ; en effet, dans cette économie planétaire globalisée, le football n'est, bien sûr, pas le seul secteur à vivre des liaisons dangereuses avec des partenaires économiques pour le moins infréquentables quant à une certaine conception humaniste des rapports entre les Hommes.
Faut-il pour autant baisser la tête et abandonner ? À défaut, d'espérer le passage de l'ombre à la lumière pour reprendre un slogan caricatural des gauches aux affaires du Pays en l981, et dont nous avons vu les résultats, il reste néanmoins possible de se réveiller et d'affirmer haut et clair notre détestation de ce monde qui vient : apprendre à dire NON est un impératif de Vie car seul l’esclave dit OUI ! Oui, l'argent a une odeur et oui, celui du Qatar est particulièrement nauséabond, même s'il n'est pas le seul sur cette planète. Non, le Qatar n'investit pas dans le football pour l'amour du Jeu, de Paris et de la France mais pour des raisons beaucoup moins légères qu'il suffit simplement d'observer sur la scène internationale et, bien sûr, de dénoncer. Défendre politiquement sur les scènes médiatiques des Valeurs du sport, malheureusement souvent de plus en plus introuvables dans les faits, et se vautrer goulûment dans le Qatar est pour le moins contradictoire, voire irresponsable. Sans se prosterner devant la Bavière en fête, ce qui serait un excès de naïveté, force est néanmoins d'apprécier les clefs d'un nouveau succès dans la droite ligne de celui de Liverpool en 2019.
En effet, en dépit des dérives politico-financières à tous les étages de ce "jeu-passion" de notre adolescence et sur tous les continents, sans aucune exception, le "rectangle vert" fournit quasiment toujours à la fin, les mêmes leçons : la force d'un collectif où le dépassement permanent de fonctions au service d'un projet de jeu établi et travaillé régulièrement permet d'annihiler les exploits individuels sporadiques et non harmonisés. Que ce jeu professionnel planétaire, en très mauvais état sur le plan de l'éthique, reste, au plus haut-niveau de sa pratique, un jeu collectif et que l'argent sans limite d'un projet politique particulièrement détestable et hypocrite ne permet pas, pour l'instant, la gagne, demeurent, en soi, les bonnes nouvelles de cette soirée !
Bonne rentrée !