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* Paris-Roubaix : 2024...1968...1967...1957 - Je retourne chez moi.




Mon premier souvenir qui revient encore très facilement en mémoire est le Paris-Roubaix de 1967.

J'ai dix ans depuis le 26 février de la même année et, si mon père a déjà dû me « coller » face à l'écran de télévision depuis quelques temps, voire pour des arrivées au vélodrome, à peine distant de quelques kilomètres du domicile, les éditions précédentes ne seront découvertes et analysées que bien plus tard dans les très nombreux ouvrages qui relatent les exploits de cette épreuve hors-norme.


1967, c'est le début du rêve éveillé mais j'ignorais encore que « mon daron », à tort et/ou à raison, m'interdirait la fréquentation des clubs de cyclisme frontaliers pour cause, disait-il, de dopage chronique avéré dans le milieu et de la nécessité de suivre, en priorité, des études .

Les pavés de mai 1968 n'avaient pas encore été déterrés et l'Autorité ne se discutait « même pas en rêve » dans nos bourgs provinciaux ; ma carrière cycliste touchait déjà à sa fin avant même de savoir si j'avais les jambes d'un professionnel et/ou d'un « banal 4ème caté »...regrets éternels.

Il faudra attendre la fin des cycles universitaires et l'entrée dans le monde du travail pour enfourcher le vélo à plein temps et vivre les émotions inhérentes à cette pratique sans pouvoir, bien sûr, prétendre à la moindre carrière sérieuse.


1967, c'est la musique du générique de l'eurovision et la voix de Robert Chapatte pour distiller des commentaires précis sur la course* ; plus tard, en tant que « Ch'ti-Belge », frontalier du Hainaut occidental, le regretté Théo Mathy prendra la suite de mon éducation cycliste sur la RTBF.


1967, c'est le choc des générations belges.

Mon père (la filière « bio-belge » de ma présence ponctuelle ici-bas) « n'a d'yeux » que pour Monsieur Rick Van Looy, déjà trois fois vainqueur de l'épreuve dont la dernière en 1965. À presque 34 ans, « l'Empereur d'Herentals » termine sa remarquable carrière de coureur de « classiques ».

Éternel choc des générations, c'est le tout jeune prodige Eddy Merckx qui crée chez moi le plus d'enthousiasme ; déjà deux fois vainqueur de Milan-San Remo, c'est la « vedette » naissante au Royaume de Belgique.

Le néerlandais Jan Janssen régla notre histoire familiale locale en remportant le sprint des 10 coureurs échappés (Van Looy 2° - Merckx 8°).


1967, c'est aussi le dernier Paris-Roubaix avant qu'Albert Bouvet, jeune journaliste appelé par Jacques Goddet à la direction du service course du Parisien et de L'Équipe, ne soit missionné, dès le lendemain de la victoire du néerlandais, pour dénicher de nouveaux secteurs pavés en voie de disparition.

Pour en trouver...ils en trouvèrent (avec Jean Stablinski et Edouard Delberghe), dont les mythiques de la Trouée d'Arenberg.

Mais bien plus que la découverte d'Arenberg, cette édition de 1968 marque un changement profond d'itinéraire ; c'est le grand virage par l'Est, le Cambrésis, le Valenciennois. Avant 1968, c'était Doullens, Arras, Mons-en-Pévèle et on allait tout « tranquillement » vers Roubaix. Certes, Il y avait des pavés mais strictement rien à voir avec ce qui va suivre et qui correspond de manière générale à la réalité actuelle.

À la veille de l'épreuve de 1968, l'inquiétude est d'ailleurs grandissante :

«...Trois jours avant la course, je suis allé voir Jacques Goddet et Félix Lévitan, qui tenaient leur réunion hebdomadaire, et je leur dit : Mais s'il n'arrivait pas un coureur à Roubaix ? Avec le sourire, Jacques Goddet m'a répondu : « Dès l'instant où il en arrive un ! ...»**


Et devinez qui gagne l'édition de 1968 en démonstration ? ...Eddy Merckx en personne, « mon champion », avec le plus joli maillot de la planète, celui de champion du monde.

Il ne reste que 44 rescapés sur les 160 au départ, un véritable massacre.


Le dimanche 7 avril 2024, ce sera mon 57ème Paris-Roubaix...dans le canapé, bien sûr.

Je n'ai strictement raté aucune édition et j'ai pu les apprécier par tous les moyens : télévision, vélodrome, Arenberg, Mons-en-Pévèle, Carrefour de l'Arbre....et dimanche prochain en intégralité dans le canapé, sous le bien agréable soleil méditerranéen choisi pour la retraite !

Les images s'entrechoquent, les années se mélangent, les conditions de courses s'éparpillent et j'ai besoin de relire des comptes-rendus et de rechercher des extraits sur internet pour remettre de l'ordre et de la méthode, secoué que je suis par les années et les pavés.


Alors oui, je l'avoue : en dépit de tout ce que je sais depuis tant d'années sur la réalité du cyclisme amateur et professionnel, je vais passer l'après-midi « scotché » à admirer tous ces professionnels livrer une bataille charnelle entre Paris (Compiègne) et Roubaix.

Baptisé en l'église Sainte-Bernadette, avenue Alfred-Motte, à l'approche du vélodrome et ayant vécu pendant 39 ans dans ce secteur de « Lille-Roubaix-Tourcoing », chaque mètre de cette course prend émotionnellement du sens comme aucune autre du calendrier professionnel.


Oh, rassurez-vous, esprits fourbes et sarcastiques, je ne connais que trop bien la face cachée du cyclisme et de tous les autres jeux professionnels de notre époque et je n'ai d'ailleurs jamais été dupe des agissements du « Père Lance », pour ne choisir que l'emblème éternel en la matière, quand toute la classe politico-médiatique s'agenouillait devant lui.

Mais telle une autruche très ponctuelle, je vais oublier la réalité, vibrer et espérer que mes « p’tits coureurs préférés » du moment me fassent retourner quelques heures en enfance.


Vivement dimanche prochain 7 avril 2024....et si Eddy pouvait être au départ !


*Pour une somme modique, le reportage de la course commentée en direct par Robert Chapatte est disponible sur le site de l'INA : un régal de précision.

**Henri Quiperé et Arnaud Pauper, 100 ans du Paris-Roubaix, Flammarion , 2002, p. 118.

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